Bulletin de la Société de Géographie
Extraits de « La Géographie », bulletin de la Société de Géographie.
Tome IV – 2ème semestre 1901
page 185 – Revue de Limnologie : Afrique
Nyassa. – Le Dr Fulleborn a entamé, dans le courant de 1899, une étude limnologique du Nyassa2. Ses recherches ont porté sur la partie nord du lac appartenant à l’Allemagne. A l’aide de moyens dont il disposait, ce naturaliste n’a pu sonder que jusqu’à une profondeur de 330 m. Cette cote bathymetrique été rencontre au nord de l’île de Likoma, par 11°39′,5 de Lat S. et par 34°40′ de Long E. de Gr. – L’échantillon rapporté de ce fond est une vase d’un vert très foncé. Dans les grand fonds voisins de Langenburg et de Wiedhafen,la cuvette est garnie également de vase, et dans la zone littorale de sable et de matériaux détritiques de plus gros calibre.
Dans les régions où ne débouchent aucune rivières l’eau est d’un bleu profond, en automne; elle a, au contraire, une teinte verte, par suite de la présence à la surface d’une couche épaisse formée par une algue jaune (Bothrimonas sp.). La transparence de l’eau est très grande au large; le 31 janvier, au nord de Likoma, une assiette blanche, large de 0 m. 40, était visible jusqu’à une profondeur de 16 m. La température éprouve une brusque élévation entre 50 et 60 m. De 190 à 60 m. de profondeur, la température reste à peu près constante : 22°,5 à 190 m.; 23°,7 à 60 m.; de 60 à 50 m., elle monte à 26°,8 pour atteindre 7°,6 à 10 m. et 28°,3 à la surface. Les observations ont été exécutées du 11 au 30 décembre à 2 ou 3 km. de terre de Langenbourg, à l’abri des apports de la Loumbira.
Un diagramme joint au rapport du Dr Fulleborn met en évidence la production des seiches sur le Nyassa. D’après les recherches de ce naturaliste la faune ichthyologique de ce lac comprend 97 espèces.
2. Dr F. Fulleborn, Uber Untersuchungen im Nyassa-see und in den Seen im nördlichen NyassaLand, in Verhand. der Gesells. für Erdk. zu Berlin, XXVII, 1900, 6, avec 3 planches.
Tome XI – 1er semestre 1905
page 126 et 127 – Mouvement géographique : Afrique
Exploration des grands lacs africains2. – Le comité constitué en Angleterre à l’effet de poursuivre l’exploration scientifique du Tanganyika et de continuer dans ce lac les recherches si remarquables de M. J. E. S. Moore, a chargé M. W. A. Cunningam d’étudier la faune et la flore de ce grand bassin.
Pour gagner le Tanganyika, ce naturiste a pris la route du sud par le Zambèze et le Chiré, et exploré, en passant, le lac Nyassa. Un grand nombre de pêche de surface opérées dans ce dernier lac lui ont fourni d’abondants matériaux pour l’étude du planton animal (copépodes, cladocères, larve d’insectes) comme du planton végétal. La température du Nyassa, descend rarement en dessous de + 1°,1, tandis qu’à la profondeur de 138 mètres elle est plus élevée de 1°,11. premr eame sommaire révèle dans les séries végétale obtenues dans le Nyassa une très grande ressemblance avec celles recueillies dans le Taganyika, mais M. Cunningam ne peut encore se prononcer sur leur identité spécifique.
3. Nature, vol. 71 n°1838, 19 janv. 1905, p. 277.
Tome XIII – 1er semestre 1906
page 71 et 72 – Actes de la Société de Géographie
Le bassin du Nyassa. – De Chindé, on se rend en dix jours, par vapeur, sur le Zambèze et le Chiré, à 440 kilomètres, aux cataractes de Murchison. La navigation est facile. Chindé, la porte de l’Afrique centrale, est une ville très animée et relativement salubre, malgré son sable profond, volé à la mer. A Chiromo, sur le Chiré, la douane et la prison témoignent du degré de civilisation des habitants. On y trouve une trentaine d’Européens. Les cataractes de Murchison coupent la navigation à Katunga. Il faut dès lors se servir de porteurs, car la tsé-tsé, jusqu’à 1000 mètres d’altitude, rend impossible l’emploi de bêtes de somme. Les porteurs sont gais et complaisants : ils obéissent à un chef noir ou capitao. En six heures et demi, ils firent parcourir à M. Jalla, en makil ou hamac, les 45 kilomètres qui séparent Katunga de Blantyre. Cette fourmilière de nègres, située à 1200 mètres d’altitude est habitée par cent vingt Européens et plusieurs Malais, est comme dans une berceau de verdure émaillé de roses et autres fleurs européennes. On y cultive le café, le coton, le riz et le tabac. Fondée en 1876 par des missionnaires écossais à qui les indigènes et les marchands d’esclaves firent courir de grands dangers, Blantyre est devenue une ruche d’abeille. La station comprend une école de trois cent internes qui s’instruisent le matin, et le soir se rendent utiles en apprenant un métier. Douze européens dirigent le tout : un grand atelier de menuiserie, une forge et une imprimerie; un jardin qui fourni de légumes et de fruits à la mission; un troupeau lui donne le lait nécessaire ainsi qu’à l’hôpital, dirigé par un médecin et deux diaconesses. Zomba, siège de la magistrature anglaise, est a environ 100 kilomètres de Blantyre. L’Afrique centrale anglaise aurait un million d’habitants, dont 500 européens, et 640 000 kilomètres carrés. La main d’oeuvre y est abondante et l’indigène gagne 3 fr. 75 par mois. La tribu principale est elle des Agonis, descendants de sanguinaires Zoulous qui, après avoir traversé le Zambèze en 1825, furent la terreur des populations du Nyasa. Elle est devenue chrétienne et compte sept stations de missionnaires, établies plus de 1000 mètres d’altitude, dans les verts vallons des montagnes de Kirk. Mlanda la plus élevée, est à 123 mètres; au loin, le Nyassa reflète sur sa nappe argentée les rayons du soleil.
Découvert en 1855 par Livingstone, il est à 525 mètres d’altitude, à 576 kilomètres de longueur et 527 mètres de profondeur. Très poissonneux, avec de nombreux hippopotames et crocodiles, il est sujet à des tempêtes soudaines. Le Chiré est son seul émissaire. Le Portugal, l’Angleterre et l’Allemagne se partagent ses rives. Neuf vapeurs sillonnent plus ou moins régulièrement ses ondes, se tenant en général à 15 kilomètres de la rive par crainte de bas fonds Des centres nombreux avoisinent ses rives : Kotakota, centre musulman de 20 000 âmes; plus loin, Livingstonia, la perle des missions de l’Afrique centrale. C’est une petite ville éclairée à l’électricité, avec turbine pour scies circulaires, ateliers de charpentiers, forges, imprimeries, moulins. La mission dont tous les membres sont logés dans de jolies maisons en briques entourées de petits jardins, compte 10 stations de 33 000 élèves dans ses écoles.
L’Afrique orientale allemande. – Au nord du Nyassa, commence l’Afrique orientale allemande. Il faut organiser une caravane pour atteindre, à 350 kilomètres le Tanganyika. Devant le voyageur se dressent les monts Livingstone qui ont jusqu’à 4 000 mètres d’altitude. Le pays est d’une fertilité extraordinaire, donnant trois récoltes de maïs par an. Partout de vraies forêts de bananiers, cachant les pittoresques huttes des indigènes, rondes ou quadrangulaires, à base plus étroites que le sommet, les Ankondes, vêtus parfois de simples feuilles de bananiers, portant par contre, jusqu’à trois ceintures, ornées de cuivre. Passionnés pour le bétail, ils le couchent dans leurs propres huttes et pleurent sa perte. L’immortalité de ces sauvages est restée très grande. L’Afrique orientale allemande compte huit millions de noirs. Il n’y a que de rares fermiers et quelques marchands européens. Elle coûte actuellement neuf millions de marks et n’en rapportent que trois.
Tome XV – 1er semestre 1907
page 197 à 199 – Mouvement géographique : Afrique
Le territoire Allemand du Nyassa et du Rouvouma1. – M. Fülleborn a, pendant trois ans, parcouru en tous sens le sud de l’Afrique orientale allemande. Il a pris part à des expéditions militaires et fait des explorations scientifiques qui l’ont conduit, par le bassin du Rouvouma, Oungoni et à Ouhehe, aux lacs Nyassa et Roukoua. Il a visité également les bassins du Chiré et du Zambèze. C’est le résultat de ces explorations, ainsi qu’un résumé très complet des travaux faits avant lui sur cette région, que M. Fülleborn nous apporte dans cette magnifique publication éditée par la maison Dietrich Reimer. Consacrée plus spécialement à l’ethnographie, elle renferme cependant des données intéressantes pour le géographe et le géologue. C’est à ces dernières que nous nous arrêterons plus particulièrement.
Le lac Nyassa, long de 500 kilomètres et large en moyenne de 50 kilomètres, atteint une profondeur de 785 mètres. Le fond du Nyassa descend donc par endroits bien au-dessous du niveau de l’océan Indien; en effet d’après Bornhardt, la surface du lac n’est qu’à 500 mètres au-dessus de ce niveau. La fosse du Nyassa est due à un effondrement, dont l’ampleur est marquée par le sommet des montagnes qui bordent le lac. Elle ne se limite pas au territoire actuellement recouvert par les eaux, mais se prolonge au nord et au sud avec une profondeur moindre. Le pays de Kondé, situé au nord du lac, entre les monts Livingstone, Ountali et Malila, fait partie de cette fosse.
Au nord du pays de Kondé, un autre fosse, celle de Rouaha, vient se souder à la précédente et se dirige vers le nord-est; c’est peut-être le commencement de la « fosse de l’Afrique orientale ». La fosse du Nyassa se poursuit, sans changer de direction, et sous le nom de fosse du Roukoua, jusqu’au Tanganyika. Mais lors de l’effondrement de la fosse qui va du Nyassa au Roukoua, il resta un îlot formé par les montagnes de Missuko, Ountali, Ourambia, Malila et Onjika, qui conserva son altitude primitive, entre les deux branches de la fosse. C’est le « horst d’Ounjika ». Il a une forme allongée du sud-est au nord-ouest. La branche occidentale de la fosse Njassa-Roukoua est plus étroite que l’autre et porte le nom de fosse d’Ouniamanga. A l’endroit où elle se jette dans la fosse principale, se trouve le lac Roukoua. A partir de là, la fosse du Roukoua se prolonge dans le nord-ouest entre les pentes escarpées du plateau Nyassa-Tanganyika, au sud-ouest, et les parois moins élevées du plateau Oukimbou et Oukonongo, au nord-est. Elle atteint le Tanganyika et se prolonge peut-être au delà.
En réalité, la fosse du Nyassa ne communique pas directement aujourd’hui avec celle du Roukoua et du Ruaha. En effets, des éruptions ont eu lieu au point de contact de ces fosses, et des produits volcaniques récents les ont comblées en partie . On trouve donc dans cette région, de nombreux volcans. Des produits éruptifs recouvrent tout le nord du pays de Kondé, et les parties voisines de l’Oussafoua.
Les bords de la fosse du Nyassa n’ont pas partout la même hauteur. C’est à l’extrémité nord-est du lac qu’ils se dressent de la façon la plus imposante, en formant une longue muraille qui s’élève à 2000 mètres au-dessus du niveau du lac : ce sont les monts Livingstone. Ils limitent à l’est le pays de Kondé. Celui-ci est bordé à l’ouest pat le horst de Missouko-Ountali- Malila-Ounjika. Comme les monts Livingstone cette chaîne est formée essentiellement de gneiss. Par endroit, des sédiments appartenant à l’étage de Karoo sont superposés au gneiss; ils renferment des dépôts houillers exploitables.
La branche orientale de la fosse du Roukoua est limitée au sud par le horst d’Ounjinka. En face s’élève le plateau d’Oukimbou; son bord est une muraille escarpée, haute de 100 à 200 mètres, qui tombe directement dans les eaux du lac Roukoua ou dans la steppe voisine. Au delà, le plateau monte encore jusqu’à l’altitude de 1650 mètres (soit 850 mètres au-dessus du niveau du lac), en formant des terrasses faiblement inclinées; puis tombent à l’est, dans la fosse du Ruaha. Au nord ce plateau se continue par celui d’Oukonongo. A l’endroit où les fosses du Rouaha et du Roukoua se réunissent, le plateau se termine par le chaîne de Beja, haute de 2900 mètres.
La largeur de la fosse de Roukoua varie de 40 à 60 kilomètres. Le lac de ce nom est à 800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il est dépourvu d’émissaire, et , sauf un seul, ses affluents ne l’atteignent qu’à la saison des pluies; en saison sèches ils se perdent dans la steppe. Tout indique qu’autrefois le lac se remplissait toute la fosse jusqu’au Tanganyika, tandis qu’aujourd’hui il n’en occupe que la partie la plus profonde sur 40 kilomètres de longueur. Il est, comme les autres lacs de l’Afrique centrale, soumis à des variations périodiques : après avoir baissé depuis 1880, son niveau a recommencé à s’élever depuis 1895. Il y a en outre des variations saisonnières : pendant la saison sèche la profondeur du lac ne dépasse pas 3 mètres. L’eau est saumâtre et dans les parties qu’elle abandonne se déposent des vases mêlées de sel.
Le lac Nyassa a également baissé de niveau et il subit encore actuellment des variations assez considérables. On a voulu établir un synchronisme entre les variations de niveau des lacs africains. Les observations faites au Nyassa et au Roukoua ne confirment pas cette hypothèse. En effet, actuellement le niveau du Roukoua est très élevés, tandis que celui du Nyassa est particulièrement bas. Les variations saisonnières du Nyassa atteignet 0m.75. C’est en avril-mai que le niveau est le plus élevé, en octobre-novembre le plus bas. L’eau de ce lac est très claire, sa température obéit à la même loi que celle des nappes de la zone tempérée : elle baisse d’abord progressivement, puis subit une chute brusque dans un espace de quelques mètres, et s’abaisse ensuite progressivement jusqu’au fond. Au point de vue de la faune notons l’absence des crustacés et des méduses à faciès marin, caractéristiques du Tanganyika. L’émissaire du Nyassa, le Chiré, va se jeter dans le Zambèze; il traverse le lac Malombe, profond d’un mètre seulement et qui doit être considéré comme un témoin du Nyassa, alors que celui-ci s’étendait plus loin vers le sud.
Le territoire du Rouvouma forme la partie la plus méridionale de l’Afrique orientale allemande. Comme le reste de cette colonie, il comprend deux parties : la plaine côtière et les plateaux de l’intérieur. Au nord le plateau d’Ouhehe se termine brusquement par une muraille à pic; la montée de la plaine au plateau est plus douce à l’ouest d’Oungoni, et, si l’on suit les berges du Rouvouma, on passe d’une façon insensible de la plaine côtière au plateau du Nyassa.
Les volcans principaux du pays de Kondé sont le Roungoué (3 000 m.), le Kiejo (environ 2 300 m.) et le Ngosi. Le cratère de ce dernier renferme un lac long de 2 kilomètres sur 1 kilomètre de largeur; il est entouré de parois rocheuses de 400 mètres de hauteur. Il renferme des îles formées de tuf qui n’a pu se déposer que sous l’eau. Leur présence indique que le niveau de cette nappe d’eau a baissé comme celui des grands lacs. Tous ces faits prouvent qu’il y a eu autrefois des précipitations atmosphériques plus abondantes dans cette partie de l’Afrique. L’activité volcanique ne se traduit plus actuellement que par l’existence de nombreuses sources thermales. Les plus remarquables sont celles de la vallée du Songoué, qui ont formé de magnifiques dépôts de tufs. Les deux rives du Kiriva sont réunies par un pont naturel, formé de basalte, qui s’est épanché autrefois sur du gneiss. La rivière s’est creusée dans le gneiss une gorge profonde, en laissant le basalte en place.
1. Friedrich Fülleborn, das deutsche Njassa und Ruvouma-Gebiet, land und Leule, nebst Bemerkungen über die Schire-Lünder (Deutsch-Ost-Afrika, vol. IX), Berlin, Dietrich Reimer, 1906; in-8°, xx-636 p., 210 fig., et un atlas de 0m.44 X 0m.31, renfermant 119 pl. et 2 cartes.
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